Introduction : Vers une « religion » humaniste » ?

3 juillet 2018 0

Que reste-t-il de Dieu dans le monde d’aujourd’hui? Si les esprits critiques ont appris à reconnaitre les limites d’une connaissance s’appuyant sur la seule raison, d’autres s’accrochent à leur dogmes reçus jusqu’à pratiquer, au nom de leur foi ou de l’idée qu’ils se font de Dieu, l’exclusion, la condamnation, l’élimination de ceux qui ne partagent pas leurs convictions souvent érigées en principes totalitaires. Les uns gardent l’horizon ouvert quant à leur recherche, les autres se le ferment de peur de s’obliger à reconsidérer leurs acquis. Leur Dieu est-il le même? D’autres encore, face aux phénomènes naturels qui tournent en catastrophes parce qu’ils provoquent d’innombrables victimes, concluent à l’absence ou à l’impuissance de Dieu. Tous, ne cherchent-ils pas une présence?

Un Dieu impuissant ?

N’est-ce pas là une belle insolence que de constater, après tant de siècles de christianisme professant la toute-puissance divine – notamment, par le biais de la formule trinitaire du symbole dit des apôtres et du credo de Nicée Constantinople – que Dieu est impuissant!
De tout temps les humains, et les chrétiens comme les autres, ont cherché des explications aux phénomènes incontrôlables et plus particulièrement à la souffrance humaine lorsque celle-ci paraît injuste. On a pu trouver que les voies de Dieu étaient impénétrables, que ses intentions et plans étaient insondables, que seul Dieu pouvait connaître les raisons de certains malheurs.
Mais, alors que l’image du Dieu justicier s’est estompée au fil d’une pensée plus libre, laissant la place à celle d’un Dieu de bonté, comment ne pas conclure à l’indifférence, voire à l’absence de la divinité face aux malheurs humains?
Peu importe, pensait l’Humanité qui, sûre d’elle-même, de sa course au progrès et de ses capacités à contrôler son devenir, ne ressentait plus guère le besoin de recourir à une transcendance pour expliquer l’inexplicable, voire chercher à se rassurer par l’idée d’un regard divin posé sur elle.
Pourtant, voilà que la foi dans le progrès se trouve terriblement ébranlée. Que la construction de l’avenir demande parfois des retours à une organisation de l’économie plus proche de la vie au quotidien et que, face aux indomptables événements, l’homme contemporain, voire l’Humanité prend conscience de ses limites et ressent une solitude qu’elle croyait reléguée dans la nuit des temps. Une solitude qui, lorsqu’elle atteint l’individu, appelle tant de compensations parfois très artificielles. Alors Dieu reprendrait-il ses galons de noblesse ? Non pas parce que Dieu répondrait à toutes les questions humaines, mais par l’idée d’une présence…
Il faut bien constater que l’image ancestrale du Dieu unique qui émerge du polythéisme antérieur à la religion des Hébreux semble faire une place de choix au Dieu d’Abraham qui accompagne le nomade qu’il était. Une image plutôt rassurante…
Le besoin d’une telle présence rassurante demeure et revient même très fortement – pour preuve, ces efforts prodigués par les politiques pour rassurer, donner des ancrages dans des fondements sociaux stables.

Dieu, une réponse à la terrible solitude humaine?

L’être humain fait l’expérience de l’angoisse de la solitude dès la petite enfance. Il en a fait l’expérience depuis la nuit des temps, face aux dangers qui le menaçaient – qu’ils aient été naturels ou soient venus de ses congénères.
Certes, l’humain a su palier le sentiment de solitude par une organisation de la vie en société – tribu, peuples, aujourd’hui, fédérations ou union des nations. Le sentiment d’une présence transcendantale, divine, répond à sa manière à cette angoisse existentielle. Celle-ci et le questionnement au sujet de l’existence humaine, donc de son identité, se sont trouvés exprimés par des cérémonies religieuses collectives, par exemple entre les alignements de Carnac ou sur certains sommets vosgiens.
L’homme a-t-il créé l’idée de Dieu pour se rassurer ainsi, ou a-t-il pris conscience de ce quelque chose ou ce quelqu’un qui le dépasse, mais dont il ressent confusément l’existence?
Parce que nous partageons la deuxième hypothèse, nous continuons la réflexion sur le sens que donne à la vie la foi en Dieu, ce Dieu dont nous soupçonnons la présence dans le monde et dans nos vies.

Vers un consensus humaniste

Aujourd’hui, le sentiment de solitude atteint l’humain du fait de sa vie compartimentée et vécue individuellement, à l’écart de rassemblements ou d’agrégats humains.
Mais aussi le doute au sujet de sa capacité à donner au monde un avenir, la conscience d’une relative impuissance qui engendre forcément un sentiment de solitude et réactive des questionnements sur le sens et le devenir de l’existence.
En vertu de cette évolution ou grâce à elle, nous cheminons vers une réflexion religieuse délaissant ce qu’on pourrait appeler de fausses questions : la nécessité de compensations sacrificielles de la faute humaine, réelle ou prétendue, pour dégager une image plus dépouillée d’une divinité non moins impersonnelle, mais qui tienne compte de l’image du monde que nous donnent les sciences. Dieu, s’il est lié à la question des origines, ne peut être absent de la réalité humaine : nous sommes un écho de son existence.
Les religions sont-elles capables d’évoluer vers un consensus humaniste, une religion dont le centre est l’homme conscient de sa place toute relative dans l’univers, l’Humanité dont nous sommes constitutifs, la vie… ?
Aussi laborieux que puisse être cet accouchement dans les difficultés de la coexistence, l’homme conscient construira avec ses semblables un avenir à sa propre histoire. Sous le regard de Dieu, ajouterons-nous, en vertu de notre foi.

La publication « Emergence et devenir des religions » tente une sorte d’état des lieux – qui reste partiel. Elle propose des éléments de réflexion pour un cheminement vers un consensus humaniste. Si une telle démarche paraît ambitieuse et ne pourra se défaire d’une certaine partialité, elle exprime le souci de serrer de près les réalités qui font le quotidien des humains et jalonnent le devenir du monde.
Ernest Winstein