Pentecôte : Absence-présence

11 décembre 2018 Non

Jésus :  » Je m’en vais…. L’Esprit de vérité vous conduira  » (Jean 16, 5 et 13)

Les adieux aux disciples

Adieux qui commencent chez l’évangéliste Jean, dès le chapitre 13 v.31- lorsque Judas quitte la pièce – et se prolonge jusqu’en 16 v.33 – au chap. 17, Jésus prie à voix haute et ne s’adresse plus à ses disciples, mais intercède pour eux…
Ce sont des mots d’adieux sous forme de recommandations à se remémorer comme des « Je te l’avais dit… » sincères et bienveillants.
Dans les précédents chapitres, Jésus décrit les turpitudes auxquelles ils devront faire face. Les verbes détester, haïr, reviennent plusieurs fois dans son discours. Ces détestations et haines sont et seront leur lot pour avoir suivi leur maître. Il existe une explication du mot haïr en la nuance d’un sentiment ou une attitude qui n’est pas symétriquement opposé à l’amour. Mais comme étant une action de « mettre à part », de coté, délaisser et écarter de soi… Comme une sorte de reniement, un repli sur soi et ses limites… En tout cas un refus d’ouverture.
Adieux, alors, qui prennent la teinte des révélations ultimes :  » Je ne vous ai pas dit ces choses dès le début, parce que j’étais avec vous… »

 

Déchirants, douloureux

Dans leur état, les adieux-départs sont toujours déchirants, douloureux.
Déchirants, parce que partir, c’est reprendre ce que l’on a installé chez les autres. Ne plus ranimer un lien par une présence, ne plus le renouveler par un échange.
Douloureux, parce que la nature humaine est ainsi faite, que les épreuves psychologiques et morales peuvent l’affecter au point qu’elle en perd parfois le sens pour lequel elle aurait tout donné, et se retrouverait à nu, dépossédée, qu’elle pourrait aussi perdre le sens de la survie animale et ainsi dépérir sans que rien ne la sorte de son abattement.
Rien sauf l’espoir… renaissant.

 

Espoir

Jésus promet  » le consolateur », l’Esprit. Nous pourrions aussi l’appeler l’espoir.
On dit que  » l’espoir renaît avec le temps ».
On dit « porter un espoir », comme on pourrait dire porter un enfant.
On dit « avoir une lueur d’espoir ».
Comme on pourrait dire que la vie même est écrasée, annihilée.
Comme une petite braise d’un feu dont il ne resterait apparemment que les cendres.
Comme une petite lumière qui continuerait d’être perçue…
L’éclat faible d’un étoile que l’on observe, des années-lumière après sa diffusion alors que l’étoile n’existe peut-être plus…
L’Esprit « soumet » au raisonnement, sur les questions du péché, de la justice et du jugement. Dans le sens où l’on entend ce mot dans notre langage de tous les jours, avoir l’esprit corrompu, partial, de contestation… Il semble que cet esprit là soit en nous « de nature », et qu’il y soit comme une caractéristique de notre façon d’être et d’appréhender la vie que l’on ne pourrait pas changer… alors que l’espoir peut être perçu comme un élément à la fois extérieur à nous, dans le sens ou il se partage facilement… et intérieur à nous, dans le sens où, en introspection, force nous est de reconnaître qu’au plus noir de nous-même, dans le creux de la plus grande désillusion, le fait de s’entendre, de se constater penser, vivre, annule le concept même de « désespoir total ». En d’autres termes : ce que Jésus explique à ses disciples, en paroles de recommandation, est que les moments à venir seront difficiles mais pas désespérés… que suite aux bilans, aux résolutions, pour marquer une étape, vient une autre période, parce qu’il leur promet de leur envoyer l’espoir.
Un nouveau temps s’ouvre : « Si je ne m’en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. »

 

« Le péché, la justice, le jugement » : trois étapes de vie ?

Le péché : Peut-on en parler comme de l’état originel ? Nous naissons  » éloignés de Dieu » et l’état de béatitude est bien de vivre ce manque, de se rapprocher de Lui… Croire en Jésus-Christ, c’est être convaincu que cet homme a oeuvré en accord total avec Dieu, que ses paroles et ses actions étaient en parfaite corrélation avec cette perception si intime qu’il avait de son Père.
La justice : la manière dont nous jugeons de nos relations avec autrui comme avec nous-mêmes, la manière dont nous l’exprimons, et prenons acte, dont nous agissons, selon nos moyens – et ceux que l’on se donne. Nous le faisons « sous le regard de Dieu », même si nous ne le voyons pas, n’avons aucune « preuve » du  » bien-fondé  » de nos dires et actes… alors nous le faisons en continuation de ce qui a déjà été pensé, expérimenté, démontré, critiqué, réévalué… en continuation, héritiers de cette aventure et manière d’être du christianisme, qui lui-même s’est parfois teinté d’autres influences, parfois était la source d’influence. Tendus vers le futur… à vivre au présent !
Le jugement : La fin et le bilan de notre vie… mais de « nos vies » aussi ! Libre à nous de faire un bilan de manière régulière… par exemple, en fin de journée… pour éviter de se cacher à soi-même les quand « ça va pas » et essayer de comprendre pourquoi dans le but de repartir du  » bon pied « , de se réjouir quand tout va bien et en prendre conscience. En fin de semaine, quand le changement de rythme permet le délassement, le repos et de prendre le temps pour les choses qui nous tiennent à coeur. Nous faisons ainsi les mises au point nécessaires pour savoir ce qui compte et ce qui est de moindre nécessité. « Le prince du monde » a plusieurs noms, plusieurs facettes… qui peuvent en temps de « jugement », en temps de recueils, en temps concentration sur ce qui nous est  » ultimement primordial  » s’avérer moins brillant et tentant…
Les « beaucoup de choses à dire, mais vous ne pouvez les porter »…sont du même ordre que  » les choses qui sont cachées et ne peuvent être révélées « …
Mystérieuses… à la fois terriblement frustrantes et attirantes… Frustrantes, parce que sont étalées ainsi nos incapacités et limites. Attirantes, parce que énergie motrice également de cette quête qui nous conduit dans les méandres des extases des trouvailles, des contentements, des accomplissements de diverses mesures.

Alors, l’Esprit de vérité est, oui, le bienvenu à celui, celle qui veut se donner la peine de mesurer, peser, évaluer ce qui – Celui qui – peut donner un sens à ses dires, ses recherches, ses actes. Mesurer s’il est possible de le faire… ce que peut signifier en chacun de nous, à chaque instant la présence de Dieu.

 

Dualité absence-présence

Ainsi, face aux paradoxes de continuer à vivre et de se réjouir malgré la tristesse, de continuer à vivre selon le  » juste  » malgré l’oppression à venir, le « Je te l’avais dit… » qui « résumerait » – si on était tenté de le faire – ces paroles de Jésus à ses disciples, et à nous qui les lisons, pourrait confirmer en cette formulation, cette dualité de l’absence-présence.
Les disciples vont faire l’expérience de cette manière d’être. Ils vont être les témoins de l’éloignement physique du maître et de l’espoir qui les habite néanmoins. Le passage, dans leur vie, de Jésus de Nazareth se « conclue » dans les deux sens du mot : par son départ. Et par un commencement : la conclusion d’un nouveau pacte d’alliance avec vocation de rassembler la communauté des croyants. Le christianisme est né.

Nathalie Mandart
12 mai 2005

Le texte complet du passage de l’évangile selon Jean 

Jean 16 versets 5 à 15
« 5 Maintenant je m’en vais vers celui qui m’a envoyé, et aucun de vous ne me demande: Où vas-tu?
6 Mais, parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre coeur.
7Cependant je vous dis la vérité: il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai.
8 Et quand il sera venu, il convaincra le monde en ce qui concerne le péché, la justice, et le jugement:
9 en ce qui concerne le péché, parce qu’ils ne croient pas en moi;
10 la justice, parce que je vais au Père, et que vous ne me verrez plus;
11 le jugement, parce que le prince de ce monde est jugé.
12 J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant.
13 Quand le consolateur sera venu, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans toute la vérité; car il ne parlera pas de lui-même, mais il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses à venir.
14 Il me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera.
15 Tout ce que le Père a est à moi; c’est pourquoi j’ai dit qu’il prend de ce qui est à moi, et qu’il vous l’annoncera. » (Traduction de Louis Second, 1910)