Une vérité à hauteur d’enfant : Dieu proche de l’homme

11 décembre 2018 Non

 » … les enfants criaient dans le temple : Hosanna au Fils de David ! « 

(Matthieu 21, v. 15)

On dit que la vérité sort de la bouche des enfants…
Cette  » vérité « , dit l’évangile selon Matthieu au chapitre 21 (voir notamment les versets Matthieu 21 v.14 à 22), les enfants l’expriment par le chant, au point de déranger…
Quelle est-elle, cette  » vérité « , sinon l’espérance de nombreux Juifs de trouver en Jésus le fils de David, c’est-à-dire le roi d’Israël?
En quoi cette confession au sujet de Jésus peut-elle nous concerner et devenir notre vérité – au point d’en faire, nous aussi, un sujet de louange…?

 

Croire et chanter à Dieu à la manière des petits enfants ?

Les enfants proclament ouvertement ce que beaucoup disaient jusque là dans les coulisses… : Ils l’invoquent, comme on invoquait Dieu : « Hosanna ! » –  » délivre-nous ! « ,  » Viens à notre secours  » ! Ils confessent et proclament : Tu es le roi, tel David !
On comprend l’inquiétude des responsables religieux : dans leur majorité, ils ne devaient pas être favorables à un messie qui risquait de troubler une certaine paix romaine et menacer leur place de dirigeants. L’écho de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem était certainement déjà parvenu à leurs oreilles ! Une prière et une confession de foi consacrent Jésus dans un rôle que les grands-prêtres ne peuvent tolérer, celui du roi venu de la part de Dieu.

Maintenant, la  » vérité  » est parvenue jusqu’au Temple :  » Hosanna, fils de David ! « .
Les grands-prêtres auraient pu accepter, à la rigueur, que les enfants applaudissent le  » maître  » Jésus de Nazareth, mais quant à le proclamer  » roi sauveur », impossible ! – ils n’iraient tout de même pas reconnaître leur propre incapacité à satisfaire le peuple  » élu « , ni admettre une présence divine en Jésus qui concurrencerait leur propre autorité. Pour eux, Dieu est avant tout présent au Temple, au saint des saints, et en parler est leur affaire – ce n’est surtout pas l’affaire des enfants. Ils sont choqués et interpellent Jésus :  » Tu entends ce qu’ils chantent ?  » – et l’on imagine la suite de leur discours :  » Mais enfin, réagis ! Dis quelque chose ; dis-leur que tu n’es pas le messie, le fils de David ! ». Ils espèrent encore pouvoir sauver la face. Mais la réponse de Jésus les prive de toute illusion :  » C’est très bien ; si les enfants le disent, c’est que cela doit être vrai. Ou alors l’Ecriture ment, puisque le psaume 8 dit au verset 3 : « Par la bouche des tout-petits et des nourrissons, tu t’es préparé une louange (ou :  » tu t’es fondé une gloire « ) ». Les archi-prêtres ne peuvent pas ignorer ce texte ! La louange s’adresse à Dieu : Jésus prétendrait-il être Dieu ? Un comble pour les grands-prêtres !

L’histoire ainsi rapportée est évidemment  » aménagée  » par Matthieu (ou l’école théologique  » matthéenne « ). En amenant cette citation du psaume 8, l’évangéliste exprime la foi de la communauté chrétienne et démontre aux concurrents religieux de l’époque que sont les chefs pharisiens (et non plus sadducéens, comme avant l’année 70), que Jésus est bien investi de l’autorité divine. Ainsi, ce que professent les chrétiens est  » la  » vérité, souligne-t-il, puisque les enfants sont capables de la comprendre.

Dieu présent pour des humains ouverts et disponibles
L’évangéliste Matthieu, en adressant ce texte à ses contemporains, leur propose d’entendre une double leçon :
1. Dieu n’est pas cantonné en un endroit précis, il est notamment présent en cet homme de Nazareth qui a su entendre Dieu et porter sa voix novatrice.
2. Pour entrer dans ce projet novateur, il convient d’être – oui, il suffit d’être ! – comme les enfants qui, eux, sont capables de comprendre, mieux que certains adultes – parce qu’ils sont ouverts, disponibles, confiants.
Dieu est donc présent pour, et auprès de ceux qui sont capables d’une telle ouverture. Et ceux-ci deviennent, tels les enfants, témoins de cette présence.

 

Les temps changent, Dieu reste

Mais n’est-il pas anachronique de répéter l’appel adressé à Jésus comme à un Dieu  » sauveur  » ? Le  » Sauveur  » serait-il pour tous les temps et tous lieux ?
Les temps ont changé. Le royaume idéal où règnerait un messie selon la pure volonté de Dieu n’est pas venu. Déjà, vers la fin des années 80, l’évangéliste Matthieu pouvait se demander si la confession de foi  » Jésus est le Fils de David  » était encore d’actualité. Il nous invite à comprendre qu’en Jésus se produit comme un déplacement de la présence privilégiée de Dieu du temple vers le messie.
Matthieu interprète l’histoire : Maintenant l’important va se passer à l’extérieur du temple : Golgotha est comme la destruction du temple, la résurrection, comme une façon de le reconstruire, mais cette fois-ci en Jésus. Il présente Jésus transformant la cour du temple en lieu de prière : A présent, le croyant peut rencontrer Dieu n’importe où, sans intermédiaire : l’essentiel est la foi. Cette foi, semblable à celle des enfants.
Matthieu rappelle que le salut – qui n’est pas venu sous la forme du royaume concret qu’attendaient les Juifs – est néanmoins une réalité qui prend forme dans la vie des hommes.

 

Le chant : comme la vie qui vient de Dieu

Lorsque nous entonnons la louange nous disons à notre tour notre foi en ce Jésus, comme étant l’homme par qui Dieu vient près de nous, au point de devenir notre « prochain » même. Notre louange est alors une manière d’accueillir Dieu, de l’accueillir en Jésus, de l’accueillir là où nous vivons.
Si la louange est aussi une manière de remercier Dieu, elle n’est pas un prix que l’on paye. Le chrétien sait que, pour Dieu, la vie est, a priori, bonne, que Dieu lui est favorable. Nous remercions Dieu et lui demandons de nous préparer à vivre et à œuvrer dans le sens de la volonté de Dieu. Que notre chant puisse exprimer notre conviction profonde que nous sommes enfants de Dieu. Et nous donner du cœur à l’ouvrage. Qu’il soit vivant comme la vie qui vient de Dieu.

Ernest Winstein, 2005

 

Pour mieux comprendre : Le texte dans le contexte.

L’évangéliste Matthieu écrit vers la fin des années 80 dans et pour une communauté chrétienne sans doute déjà assez importante, aux abords de la Palestine, peut-être en Syrie.
Le tableau des enfants chantant la louange est probablement historique : la confession de foi en Jésus comme fils de David peut provenir de la communauté chrétienne de Jérusalem dont une partie se retrouve dans l’église de Matthieu après la  » Guerre Juive  » et la destruction du temple par les Romains. L’événement historique est, certes,  » relu  » à travers la situation des années 80. Les nouveaux chefs religieux juifs, après 70, étant alors des pharisiens qui marqueront d’ailleurs le judaïsme jusqu’aujourd’hui, soulignent que Dieu est dans la Loi – la Thora. Ils critiquent vivement les chrétiens qui prennent des libertés avec cette Thora, enseignée selon des préceptes inspirés de l’enseignement de Jésus.