Qu’est-ce que le protestantisme libéral ?

L’actualité d’une pensée chrétienne libérale

La pensée théologique libérale suscite auprès de nombreux contemporains un intérêt croissant. Après avoir particulièrement marqué les débats du XIXè siècle et stimulé la recherche théologique systématique, elle a en partie été relayée par des mouvements néo-libéraux au XXè siècle. Au moment où les religions campent sur des positions traditionnelles, elle suscite un intérêt nouveau, en particulier lorsque nous exprimons la volonté de mettre la raison au service de la foi, en réponse à une réelle attente d’un débat débarrassé du poids de dogmes lorsque ceux-ci sont considérés comme autant de vérités immuables. La prise en compte, pour ce débat, des résultats des recherches théologiques contemporaines, nous paraît une évidence et une nécessité.

Qu’est-ce que le protestantisme libéral ?

Remarquons que le libéralisme religieux n’est pas le propre des protestants. Il traverse toutes les confessions dès lors que des hommes et des femmes affirment leur foi librement.

Il ne s’agit pas d’une doctrine religieuse ultra-critique ou d’une volonté d’induire quelque laisser-aller moral, mais d’une attitude de foi. Le libéral est d’abord un croyant. Il est convaincu que l’on peut croire en Dieu sans intermédiaire. Sa foi est une attitude de confiance, une manière de vivre.

Mais le croyant libéral ne s’interdit pas la réflexion. Il pense que celle-ci peut soutenir la foi. En ce sens, un réformateur comme Martin Luther est “ libéral ” !

Il faut remarquer que le protestantisme libéral n’est pas à confondre avec l’économie libérale, bien que les deux « libéralismes » puisent à la même source – la réaction issue du mouvement des “ Lumières ” du XVIIIè siècle contre l’embrigadement, tant économique que social et, bien sûr, religieux, de l’individu par l’ordre établi.[1]

La méthode

La pensée théologique libérale, dans la ligne des “ Lumières ”, questionne ce qui paraît acquis. Elle considère les dogmes, non comme des vérités définitives et immuables, mais comme des pièces d’enseignement – c’est le sens premier du terme. Leur valeur est relative et ils sont à adapter en fonction de l’évolution de la société.

Les idées

Dieu.

La pensée théologique libérale soutient la radicale unicité de Dieu : Il ne saurait y avoir une sorte de polythéisme larvé, exprimé, par exemple, par le dogme trinitaire (Dieu serait trois en un ou un en trois : Père, Fils et Saint-esprit).

La pensée libérale invite à la prudence devant tous les a priori qui seraient autant d’idées toutes faites. Elle encourage à comprendre Dieu comme le tout Autre qui impulse à l’univers un mouvement, un sens, et qui ne saurait être absent de la réalité du monde. Dieu est aussi le tout Proche, puisse que son souffle est dans le monde, en l’homme!

sus.

La pensée théologique libérale favorise, pour les contemporains, l’accès à la personne de Jésus telle qu’elle est présentée par les témoignages du Nouveau testament. Dans la mesure où nous arrivons à cerner la motivation de l’homme Jésus nous trouvons dans l’exemple de sa vie un encouragement à prendre à bras-le-corps les réalités de nos vies et du monde.

La réflexion sur la nature de Jésus a conduit à des positions diverses. Mais, dans l’esprit du libéralisme, Jésus est l’homme de Nazareth, figure prophétique, endossant une mission qu’il estime divine : contribuer à rétablir l’indépendance d’Israël en tant que nation et mettre à contribution tout croyant sincère.

L’homme. Les hommes.

Il nous faut bien prendre acte aujourd’hui que Jésus est un homme de son temps. Que son enseignement, s’il était prononcé aujourd’hui, prendrait en compte les réalités de l’homme contemporain. Lorsque nous le confessons comme Christ (roi) nous le remettons dans le projet de son temps et de son peuple. Il faut bien prendre acte que le royaume auquel il se voua ne s’est pas réalisé. Mais l’idée même d’un royaume de Dieu nous aide à tendre vers l’organisation d’une vie sur terre qui se fasse avec confiance – confiance en Dieu et, par conséquent, en soi-même, en l’homme et en ses capacités de gérer raisonnablement la terre. Et nous oblige à ne laisser le champ libre, ni au hasard, ni aux velléités de domination totalitaire.

L’être humain est responsable vis-à-vis de Dieu – idée chère à Martin Luther comme à Albert Schweitzer, par exemple…

La pensée théologique libérale rejette et condamne toute velléité des pouvoirs humains, seraient-ils ecclésiastiques, de prendre possession de l’individu.

Elle encourage au respect des différences et milite pour l’épanouissement de l’être humain. En matière économique, cela signifie bien, sûr, le respect de la libre initiative, mais non aux dépens de la dignité humaine.

L’Eglise

Toute communauté de type église n’a de réalité qu’à travers ses membres. Une direction ecclésiastique ne peut, par voie de conséquence,  qu’être l’émanation de cette communauté, et être à son service.

Les Eglises ne sauraient prétendre détenir une vérité unique, ni chercher à l’imposer à leurs membres qui  ne sauraient être les sujets d’une hiérarchie se plaçant, elle, hors de tout contrôle.

Lorsque des directions d’Eglises sont tentées de se déclarer infaillibles et, par voie de conséquence, mettre au pas ceux qui ne s’aligneraient pas sur une sorte de pensée unique, elles portent offense à l’idée même de Dieu.

Humanisme

Les libéraux auront le souci d’une écoute des individus et de la prise en compte des besoins humains ; ils ont le souci de l’assistance aux démunis, de ceux qui sont victimes ou des contingences de la nature ou des exactions humaines ; leur action s’exprime dans le sens d’un progrès réel de l’humanité – qui ne peut qu’aller de pair avec la préservation du cadre de vie et de l’environnement. Ils partagent, bien sûr, les préoccupations de beaucoup d’autres mouvements, organismes, individus et cherchent à oeuvrer avec eux, dans la mesure du possible.

Ernest Winstein ( Juillet 2004)

[1] De la liberté d’entreprendre, le libéralisme économique a évolué vers une libre entreprise qui ne tient pas compte, bien souvent, des répercussions du laisser-faire économique sur l’individu, et ne s’intéresse guère aux laissés pour compte. Il tend à ignorer que les origines sociales déterminent largement la capacité et les dispositions de l’individu à prendre en charge sa destinée. Le libéralisme s’est fortement exprimé au moment de la Révolution française qui l’a radicalisé, systématisé. En effet, le seul suffrage universel est proprement de l’ordre d’une ligne libérale : chaque individu a sa place dans la société, son rôle à jouer, son mot à dire.